Feld-maréchal, septième prince du nom, Charles-Joseph de Ligne (1735-1814) exerça une véritable fascination sur ses contemporains. Familier et serviteur des plus grands monarques de l'Europe éclairée, il fréquenta militaires, gens de lettres, artistes et saltimbanques. La postérité retient de lui une image scintillante qui le pose en commensal spirituel de l'aristocratie politique et intellectuelle de son temps. Autrichien francophone, "belge" et cosmopolite, Ligne fut un auteur prolifique que l'on mit longtemps à découvrir. L'immense production sortie de sa plume se déploie dans les genres les plus divers et fait aujourd'hui l'objet d'une édition scientifique digne de ce nom. Fut-il réellement "l'homme le plus gai de son siècle", comme le pensait Goethe, ce Rosarote Prinz recherché pour ses bons mots et l'élégance de ses aphorismes ? Sans doute, mais on ne saurait pour autant le réduire à cette seule posture qu'il a lui-même contribué à imposer. Derrière le fard et les ornements, le lecteur attentif ne tarde pas à découvrir une personnalité beaucoup plus complexe, victime parfois des humeurs les plus sombres, faite de nuances et d'apparentes contradictions. Ce volume, auquel ont contribué des spécialistes issus de plusieurs disciplines, entend rompre avec la représentation figée d'un homme et d'une oeuvre trop longtemps méconnus. Les différents articles entendent porter un regard neuf sur la vie et les écrits du Prince, en s'efforçant de cerner les différentes facettes du kaléidoscope : religion, vie militaire, littérature, musique, théâtre, éléments quotidiens, autant de thématiques rencontrées au fil des écrits publics ou privés, qui contribuent à faire de lui un intellectuel des Lumières tenté par la modernité malgré un évident conservatisme.