L'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler le monde arabe est, depuis le début de l'année 2011, en proie à des bouleversements sociaux et politiques sans précédent. D'une certaine manière on peut considérer qu'il s'agit de la reprise, et peut-être de l'accomplissement du mouvement de décolonisation qui avait buté sur les liens établis entre les régimes autocratiques mis en place un peu partout et les puissances occidentales. Ces soulèvements populaires ne sont pas sortis du néant. Ils sont le produit de conflits et de dynamiques qu'il est important de restituer. On souhaite donc, dans ce numéro, mener, concernant les différents pays, une analyse de fond qui prenne en compte la longue durée, les changements profonds qui ont traversé ces sociétés et que la vision, souvent encore marquée par l'orientalisme, de nombre de commentateurs, a laissés de côté. Quelles sont donc les forces sociales et politiques qui y ont été en présence et en tension, et qui éventuellement se déploient aujourd'hui ? Même si les aspirations politiques ont été étouffées à peu près partout, elles n'en ont pas moins existé, certes de façon souterraine et masquée (s'exprimant, par exemple dans des œuvres littéraires ou artistiques). Quelles sont aujourd'hui, dans cette accélération de l'histoire, les recompositions du jeu social et politique ? Ce sont ces questions que traitent les différents auteurs contribuant à ce numéro, dont beaucoup son issus des pays dont ils parlent, remplissant à la fois le rôle de témoins privilégiés et d'analystes.