Rien n'est plus difficile que de parler de la Corée du Nord. Les rares " spécialistes ", tenus volontairement par les règles strictes de la recherche, limitent leurs interventions et la place reste occupée par les permanents de l'opinion. La presse adore inviter ces donneurs de leçons aux discours bien rodés, bien attendus. On aura donc sempiternellement droit à Ubu, à Orwell, aux paranoïaques, aux schizophrènes, à la dynastie, au leader poupin qui regarde des films et souffre de sa petite taille, et, naturellement, au terrible danger que fait courir la RPDC au reste du monde. Pourquoi ? Pourquoi peut-on dire n'importe quoi, n'importe quand, de la Corée du Nord ? Pourquoi en rajouter alors que la situation difficile de ce pays n'appelle aucune exagération, la réalité suffisant ? Ces gens ont leur réponse toute prête, tant il vrai que l'idéologie a toujours réponse à tout : on ne peut pas y aller, on ne peut rien voir, " ils " cachent tout. Si c'était le cas, alors pourquoi ne pas se taire ? Il n'est pas facile d'aller en Corée du Nord et de se documenter. Mais ce n'est pas impossible. Il est faux qu'on ne puisse pas voyager, il est faux qu'on ne puisse pas y faire aboutir des projets, il est faux que la RPDC demande allégeance à ses visiteurs. De quoi ont-ils donc peur, tous ces bavards qui ne savent pas lire le coréen, pour avoir besoin d'accuser tout chercheur d'être complice ou téléguidé ou manipulé par le Nord ? Bref, eux savent sans y aller, et nous qui y allons sommes des imbéciles, au mieux. Ce numéro de tangua est une modeste et pessimiste tentative de parler aux happy few. Une modeste et pessimiste tentative de désorientation ou de déconcertation, comme disait Lyotard. Il est composé de travaux de chercheurs travaillant sur des documents de première main et ayant pour la plupart été sur place.