Au cours des deux dernières décennies, l'analyse du parcours de vie a contribué à revitaliser notre compréhension de la vulnérabilité dans un large éventail de domaines : santé, emploi, éducation, famille, migration, politiques sociales, etc. Elle a mis en évidence l'importance des trajectoires, des transitions et des événements de la vie pour comprendre les antécédents et l'évolution de la mauvaise santé, de l'échec scolaire, de la perte d'emploi, de la pauvreté, des effets négatifs du divorce, ainsi que du non-recours aux prestations sociales a priori accessibles. Cependant, les résultats obtenus par les recherches sur les parcours de vie en relation avec la vulnérabilité restent hésitants sur un certain nombre de points importants : les trajectoires de vie ne sont-elles finalement que le reflet de leurs conditions initiales, au début de la trajectoire, ou sont-elles des processus d'avantages ou de désavantages cumulés au travail ? Les trajectoires et les transitions reproduisent-elles simplement les effets de déterminants sociologiques classiques (genre, tranche d'âge, niveau d'éducation, citoyenneté, etc.), rendant inutiles la coûteuse collecte de données longitudinales et les longs entretiens narratifs nécessaires pour respecter les exigences de la recherche sur les parcours de vie ? L'interdisciplinarité que promeut l'analyse de parcours de vie (avec l'épidémiologie, la démographie et la psychologie notamment) ne va-t-elle pas à l'encontre d'un raisonnement sociologique cohérent ? L'articulation des domaines (famille, travail, loisirs, politiques sociales) favorisés par les approches sur les parcours de vie est-elle vraiment nécessaire pour comprendre les formes de vulnérabilité propres à chacun d'entre eux ? La prise en compte de la complexité des trajectoires individuelles ne contribue-t-elle pas à brouiller les pistes d'explication plutôt qu'à contribuer à la compréhension de la vulnérabilité ? Le but de ce débat est de passer en revue certaines contributions critiques de la recherche sur le parcours de vie à notre compréhension de la vulnérabilité, définie comme un processus de perte de ressources dans un ou plusieurs domaines de la vie qui menace les individus lors de trois étapes majeures : l'incapacité à éviter les facteurs de stress individuels, sociaux ou environnementaux ; l'incapacité à leur faire face efficacement ; et l'incapacité à se remettre de ces facteurs de stress ou à profiter des opportunités dans un délai donné.