L'action contre le racisme et la discrimination occupe une place centrale dans les perspectives contemporaines sur les droits humains et la justice sociale. Pourtant, si les politiques publiques s'appuient très largement sur un vocabulaire, voire sur des concepts, issus des sciences sociales, de grandes incertitudes subsistent parmi les spécialistes quant au fondement, aux implications et aux effets pratiques de dispositifs désormais routinisés. De ce point de vue, l'action positive, ou " affirmative " a une importance décisive. Il peut sembler relever du bon sens élémentaire que des mesures correctives spécifiques soient prises au bénéfice des victimes de la discrimination. En réalité une perspective analytique comparative montre la complexité des enjeux et le caractère simpliste voire trompeur du bon sens. Comme le montrent les cinq articles du dossier sur la " mesure de la discrimination ", le repérage des victimes est d'une grande complexité et fait appel à des statistiques sophistiquées dont le fondement dans les sciences sociales est pour le moins insaisissable. Cinq articles supplémentaires éclairent la construction historique, juridique, politique et institutionnelle riche et complexe du sens contemporain de la " race " et de l'" ethnicité " dans le cas exemplaire des Etats-Unis, et d'autres contributions prennent en considération les cas de la France, de l'Inde et du Nigeria. Le point d'intersection entre les perspectives proposées dans ces contributions et les enjeux statistiques de la mesure de la discrimination est, précisément, la profondeur historique des dynamiques sociales que les dispositifs d'action " affirmative " sont censés traiter. Idéalement, on pourrait les considérer comme effaçant des clivages historiques, surtout quand leur objectif est d'en compenser les effets. En réalité, ces dispositifs tendent plutôt à révéler les clivages contemporains en évolution mais pérennes, qui s'organisent autour des configurations historiquement construites.