Le mot Sénat paru pour la première fois dans le vocabulaire constitutionnel positif le 22 frimaire an VIII (24 décembre 1799) aurait dû stimuler le zèle commémoratif officiel. Or silence fut fait sur cette création originale, marquant le refus du Sénat républicain de toute filiation avec le Sénat napoléonien. Paradoxalement, de sa naissance à nos jours, l'histoire de ce dernier corps de "sages" est toute passionnelle et sa mauvaise réputation initiale bien tenace. Discrédité parce qu'issu du coup d'Etat du 18 Brumaire, le Sénat a longtemps été méprisé par l'opinion républicaine, hostile par tradition au bicamérisme et à une représentation aristocratique. Pourtant le Sénat conservateur de 1799 a su fixer les traits d'un Sénat pérenne encore identifiable de nos jours. Aussi faut-il remonter aux sources, pour clarifier plutôt que pour célébrer. Le présent ouvrage de prosopographie attaché aux acteurs, sénateurs, plutôt qu'au cadre, le Sénat, s'entend comme contribution à l'histoire sociale du Consulat et de l'Empire, à travers un organe politique conçu comme un laboratoire de construction sociale. Premier corps de l'Etat dans l'ordre constitutionnel, peuplé de hautes notabilités, le Sénat cristallise par son recrutement et ses prérogatives, par les signes de puissance sociale dont sont entourés ses membres, toutes les élites et leur sert de lieu géométrique. Malgré un destin éphémère et controversé, le premier
Sénat français a su asseoir définitivement la conquête du pouvoir par la classe sociale dominante du XIXe siècle.