Paradoxalement, lorsque les frontières - matérielles et symboliques - apparaissent relativement fixées et stables, elles sont négligées dans les travaux de sciences sociales ; elles (re-) deviennent un sujet d'intérêt car elles sont affectées - sans être affaiblies - par les processus mondiaux de globalisation économique et d'intégration continentale. Les frontières constituent un dispositif de marquage, incluant des pratiques et des jeux d'alliances complexes. La dualité des traductions de 'frontière' - en anglais (frontier/boundary) comme en allemand (Grenzraum/Grenzlinie) - atteste de cette ambivalence. Les frontières renvoient également à la production du lien social entre différents univers, acteurs, groupes, échelles et secteurs, avec des conflits mais aussi des modes d'interactions et de coopérations. Cette perspective écarte les discours sur la "fin des frontières", qui seraient dépassées par les réseaux, les mobilités accrues, la réduction de l'espace-temps : la globalisation et la mondialisation stimulent la territorialisation de l'espace. La pertinence des frontières comme objet d'étude s'inscrit dans le double mouvement de suppression et de réapparition de frontières dans les espaces politico-économiques.