Les "silex de Volgu" ont été découverts fortuitement en 1874 lors du creusement d'un petit canal de dérivation des eaux de l'Arroux qui relie la ville de Gueugon au Canal du Centre, à proximité de la ville de Digoin, sur le bord de la Loire. Il s'agit de longues et fines pointes de silex, en forme de "feuilles de laurier" selon la dénomination des préhistoriens, qui constituent les productions les plus remarquables dans l'art de "la pierre taillée" dans l'ensemble du monde paléolithique. Les études auxquelles elles ont donné matière ont permis de montrer : que les silex dans lesquels elles ont été façonnées proviennent des formations crétacées du sud du Bassin parisien, c'est-à-dire d'une vaste région allant du Berry jusqu'à la Champagne ; que ces objets privés de traces évidentes d'usure et de plus extrêmement minces et fragiles n'ont pas été utilisés comme outils ni comme armes ; que les techniques particulièrement complexes qu'implique leur fabrication, principalement par percussion directe, témoignent d'une telle maîtrise qu'elles constituent de véritables chefs-d'oeuvre. Les données acquises dans les fouilles récentes d'autres gisements de la même époque, notamment en Touraine, ont permis non seulement de confirmer leur datation à la fin du Solutréen, il y a environ vingt millénaires, mais aussi de reconnaître, à partir des ateliers de taille découverts dans cette région et en Dordogne, le processus complet de leur réalisation, de la préparation des blocs bruts de silex jusqu'à l'obtention de grandes pointes foliacées extrêmement minces comme celles de Volgu. Les seize pointes trouvées rassemblées en un paquet serré sur le bord de la vallée de l'Arroux constituent à proprement parler une "cachette", c'est-à-dire un dépôt volontaire car elles n'étaient pas en contact direct avec avec les structures d'un habitat ni les restes d'un atelier de taille. Ces pointes de silex enfouies à dessein représentaient certainement à l'époque de leur fabrication quelque chose de particulier et d'important. Elles ont en effet été taillées dans des silex rares compte tenu de la grande longueur et de l'extême qualité des blocs qu'exigeait leur façonnage, et, d'accès difficile sous le climat extrêmement froid qui sévissait alors, c'est-à-dire durant la période que les spécialistes dénomment le "Dernier Maximum glaciaire". Elles étaient de plus éminemment respectables du fait du très long travail de taille au percuteur en bois de renne que leur mise en forme demandait et qui supposait une compétence technique très développée, fondée sur un long apprentissage et sans doute sur de nombreux échecs. La rareté des blocs de silex de dimension adéquate, l'expérience et l'adresse nécessaires à leur façonnage, les rigoureuses conditions climatiques de l'époque, laissent à penser que ces pièces extraordinaires ont été fabriquées sur plusieurs saisons. Elles ont été peu à peu rassemblées, en quelque sorte collectionnées, parce qu'elles avaient un intéret spécial et une signification particulière, peut-être de nature symbolique. En tout cas elles représentaient au moins en elles-mêmes, pour les hommes de l'époque, de véritables exploits techniques et de ce fait constituaient des objets précieux et dignes d'admiration. C'est le sentiment qui prévaut encore de nos jours pour peu que l'on examine avec attention ces oeuvres magistrales auxquelles on ne saurait par ailleurs dénier une réelle valeur artistique.