R. Hare (1919-2002) s'inscrit dans la tradition de la philosophie morale britannique depuis H. Sidgwick: là où ce dernier cherchait à rendre compatibles les éléments intuitionnistes et les éléments utilitaristes de l'éthique, notre contemporain s'est efforcé de réconcilier le déontologisme kantien et les considérations conséquentialistes des utilitaristes. Mais le prescriptivisme universel, développé à cet effet, est original en ce qu'il reconnaît une objectivité de la morale, sans admettre pour autant une vocation descriptive de celle-ci. C'est une analyse logique extrêmement minutieuse du langage de la morale qui permet de justifier une conclusion aussi paradoxale. Pour autant, R. Hare n'est pas seulement un philosophe du " tournant linguistique ". Il n'a pas hésité à aborder de nombreuses questions d'éthique appliquée (dans le domaine de la bioéthique, de l'environnement, de l'éducation). Cet aspect de sa pensée montre, de façon exemplaire, à quoi peut prétendre, dans le domaine pratique, l'application d'une théorie constituée pour traiter des questions en apparence les plus abstraites. Ce sont tous ces aspects d'une pensée à la fois systématique, féconde et subtile que les contributions de ce volume présentent, approfondissent prolongent ou critiquent.