La fin des régimes d'Europe de l'Est a permis la réunification de l'Allemagne, qui a ainsi perdu son rôle de glacis. L'Autriche, qui avait bénéficié d'une position privilégiée du fait de sa neutralité, a cessé d'apparaître comme une passerelle entre l'Est et l'Ouest. Les deux pays ont fait de l'élargissement de l'Union européenne une priorité politique et leur position géographique centrale pourrait permettre d'asseoir la stabilité dans la région, ce qui peut poser la question de la neutralité de l'Autriche. Si les liens entre pays d'Europe centrale se resserrent, on n'assiste pourtant pas à un déplacement vers l'est des intérêts de l'Allemagne et de l'Autriche, mais à un " retour en Europe " des pays de l'ex-bloc soviétique. Dans ce cadre, l'Allemagne et l'Autriche sont perçues par leurs voisins orientaux comme des acteurs incontournables pour aller vers la prospérité économique. Mais l'Union européenne n'est pas qu'un marché, elle signifie aussi une adhésion à des valeurs démocratiques communes. A cet égard, la nouvelle majorité au pouvoir à Vienne a suscité des craintes quant à la démocratie en Autriche et une possible contagion des tendances populistes dans la région. C'est pourquoi les quatorze autres Etats membres ont pris des sanctions diplomatiques contre l'Autriche, mais celles-ci ont été levées en septembre 2000. L'Autriche a ainsi réintégré pleinement le " concert " communautaire au moment où le sommet de Nice (7-10 décembre 2000) a ébauché un calendrier pour l'élargissement de l'Union. Dans cette perspective, le défi pour l'Allemagne et l'Autriche est d'œuvrer à l'intégration de leurs voisins à l'Europe en évitant de réveiller les craintes traditionnelles d'hégémonisme.
Stephan Martens est germaniste et politologue, maître de conférence à l'Université Michel-de-Montaigne/Bordeaux III et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) de Paris.