Au milieu de la Seconde Guerre mondiale, dans une détresse fondamentale, et un désir de repenser la modernité à l'aune même de la catastrophe en cours, Adorno et Horkheimer écrivent la Dialectique de la raison. Texte qui tente de penser les démons modernes à l'intérieur même du mouvement d'émancipation qu'ont représente la modernité, les Lumières, le déploiement de la raison. Notre époque actuelle, on le voit bien, est loin d'être étrangère à ce type de problèmes. Aux désirs régressifs d'en finir avec la raison comme à ceux de lui donner tous les pouvoirs. Aux cultes des "chefs" comme à ceux des "experts". Aux colères qui veulent tout casser comme aux certitudes sereines que tout ne va pas si mal et qu'il faut être "raisonnable". Nous essaierons d'être "le guetteur des régressions de la raison et de ses retournements en mythologie" (Miguel Abensour) et, autant que possible et sans sérénité ni assurance, le capteur, aujourd'hui, de certaines dominations enfouies ou banalisées, et de quelques ouvertures utopiques oubliées ou ignorées.