"Notre république est une amitié". C'est par ces mots, qu'il prête à Michelet, que Robert de Jouvenel commence son célèbre pamphlet La République des Camarades (1914). Dans le contraste entre le titre et l'incipit d'un même livre, deux aspects de l'amitié en politique se manifestent avec netteté. Ciment social par excellence, fondée sur les hautes exigences d'une communauté de valeurs, l'amitié concourt à l'établissement de la concorde civile et de la paix internationale ; véhicule de la faveur, prétexte de tous les passe-droits, voile de toutes les collusions, l'amitié présente aussi une menace pour la justice et la démocratie. Entre ces deux pôles extrêmes, une immense variété de cas de figures et d'expériences historiques : de l'impossible amitié du tyran grec à l'amitié nationale exaltée par Barrès à l'occasion de la Grande Guerre ; du surprenant appel du roi Louis XVI au moment de la fuite à Varennes – "Français, et vous surtout Parisiens,... méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami" (20 juin 1791) – à l'amitié franco-allemande, incarnée par Helmut Kohl et François Mitterrand main dans la main devant l'ossuaire de Douaumont le 22 septembre 1984. Des chercheurs, historiens, littéraires, historiens du droit, acteurs politiques ont voulu explorer ensemble, sur la longue durée, quelques facettes d'une relation complexe et fascinante, entre lien social, diplomatie et élan du coeur.