La forêt a toujours figuré une marge géographique, politique et théologique effrayante du monde occidental policé. Espace soumis à la loi primitive de la nature, obscur et sauvage, que sa difficulté d'accès et son absence d'issue soustraient à toute normativité temporelle, elle est le théâtre d'aberrations innombrables liées à l'exubérance de la physis. Le fantastique de la forêt est fondamentalement lié à la matière, à la disproportion, à la quantité. C'est un fantastique de l'immanence et de la saturation. De ce point de vue là, on aurait pu croire que notre postmodernité dénaturée et spectrale s'en détournerait irrémédiablement. Or il n'en est rien... Non seulement la forêt n'a pas disparu des productions symboliques actuelles de nos sociétés, mais elle semble en constituer à nouveau l'un des opérateurs majeurs. Voire une clef. Cette persistance, qui ne dépend pas d'une perception folkloriste, suscite l'interrogation. Et c'est à y répondre que s'attache cette livraison d'Otrante, non sans avoir esquissé au préalable une histoire des principaux moments culturels de délire forestier.