Mystères de Londres ? Comme au titre de cette saga criminelle que Féval imaginait, peuplant la cité londonienne de formes inquiétantes et terribles. Le mythe fantastique de Londres est bien ancré dans les imaginaires contemporains depuis le gothique victorien, les errances nocturnes de Jack l'éventreur et de Sherlock Holmes, celle de Mister Hyde ou de Dracula, il se répercute dans un ample réseau de réécritures et d'images qui voient dans ses motifs et ses figures privilégiés un théâtre fictionnel où se représentent les contradictions des groupes sociaux, des désirs privés et des formes les plus outrées de l'inégalité née du monde de la marchandise et du commerce. Brume et bas-fonds, East End et Mayfair, ordre edwardien et refoulement victorien contribuent à faire des bords de la Tamise un lieu fantastique majeur dans l'imaginaire européen. Cette livraison d'Otrante entend arpenter ce lieu essentiel en empruntant aussi bien le chemin des références fondamentales (Hogarth, Dickens, Mayhew) que le lacis de ses écritures policières et fantastiques (Stevenson, Stoker, Machen, Conan Doyle) tout en débusquant certaines configurations contemporaines (Rushdie ou Sebald). Mais ce parcours est aussi un ensemble d'images et de fictions, de voix d'écrivains, par le jeu de textes oubliés ou de paroles récentes que l'on voudra solliciter par l'illustration et l'entretien (Evette, Naugrette) ou grâce à une fiction inédite de Adam Thorpe. C'est également au cinéma, en Amérique comme en Europe, que les représentations de Londres ont dessiné un paysage fantastique spécifique, des reconstructions des studios de la Universal et de la Hammer jusqu'au renouveau du cinéma de genre anglais qui livre la cité à l'invasion des zombies, de la catastrophe virale et écologique.