Jules Verne est la plupart du temps présenté comme un spécialiste du roman d'aventures, un romancier de la science ou un précurseur de la science-fiction moderne. Le centenaire de la mort de Jules Verne est l'occasion de sonder plus avant une strate un peu oubliée de son œuvre : la veine fantastique. Verne était en effet un lecteur de Hoffmann et d'Edgar Poe, qui l'ont beaucoup influencé : si un véritable fantastique vernien se développe en marge des grands romans dans des nouvelles moins connues (" Maître Zacharius ", " M. Ré-dièze et Mlle Mi-bémol ", " Frritt-Flace ", etc.), il apparaît nécessaire de questionner une éventuelle " dimension fantastique " des Voyages extraordinaires. Nombreux sont à ce titre les romans qui débutent par un mystère, un événement étrange, une énigme à résoudre (Vingt mille lieues sous les mers, L'Ile mystérieuse, Nord contre Sud, Maître du monde), alors que d'autres récits se plaisent à flirter avec le fantastique (Les Indes Noires, Le Château des Carpathes, Le Secret de Wilhelm Storitz). De plus, les personnages rencontrent souvent des scènes d'horreur, des cadavres (Voyages et aventures du capitaine Hatteras, Le Sphinx des glaces, Voyage au centre de la terre, La Jangada), et Verne excelle à mettre en scène le singulier, le bizarre (Une ville flottante, Hatteras, Mathias Sandorf). La science est ainsi mise au service non seulement de l'explication du monde mais aussi de l'exhibition de l'étrange. Ce numéro entend donc mettre en évidence l'importance et la diversité de " l'inspiration fantastique " chez Jules Verne, une véritable veine, filon précieux jamais tarie, à l'image du gisement des Indes Noires, une artère irriguant peut-être le cœur secret de l'œuvre.