Comment penser, mais aussi vivre et écrire la solitude de l'exil et la douleur de l'expatriation ? Question brûlante, terriblement actuelle. Ce numéro d'Orages l'aborde sous l'angle de la Littérature et de l'Histoire. La période des Orages est, elle aussi, féconde en tourments et traumatismes. Retiré, remercié, disgracié, écarté, arraché, déplacé, extradé, exilé, banni, proscrit, forclos : nombreuses sont les variations juridiques, géographiques et existentielles de l'éloignement hors de l'espace public de la patrie. Se pose à l'origine une pure question de philosophie politique : comment poursuivre une pensée, une parole, voire une action politique alors qu'on se situe de fait hors du politique ? Comment être à la fois un ermite et un citoyen, mais aussi comment construire son expérience — volontaire, et plus souvent subie — en une forme de destin, fondé sur une figure ? L'espace de l'ailleurs, asile ou épreuve, modèle et module ainsi les formes de la parole, qu'elle soit directement ou plus obliquement politique : discours et campagnes de presse, pamphlets, témoignages, mémoires, correspondances, fictions romanesques, théâtrales ou lyriques, méditations et essais, toutes ces expressions solitaires disent la nécessité d'une relation à la communauté. De l'ermitage de Montmorency jusqu'au rocher noir de Sainte-Hélène, en passant par l'Amérique et les Alpes, au féminin comme au masculin, malgré tout, envers et contre tout, une écriture se met en mouvement et résiste à l'effacement, au silence, à l'oubli. Le Cahier annuel d'Orages accueille un entretien avec François Rosset, spécialiste des littératures du XVIIIe siècle.