Traditionnellement, l'âge des Lumières correspond à cette période d'invention des libertés et d'affirmation de la politique comme politique de la liberté. Pourtant, ainsi que le fait remarquer Foucault, les Lumières qui ont découvert les libertés sont celles également qui ont inventé les disciplines, grises et tatillonnes avec leur austère filet de technologies matérielles qui assujettissent corps et esprits et produisent une version moderne du sujet sans rapport apparent avec la célébration des libertés. Faut-il en conclure un schisme des Lumières, une scission immanente à leur déroulement qui produit deux lectures incompatibles de la modernité ? Les Lumières peuvent-elles alors apparaître sans un conflit interne qui en dédouble l'allure et les rend pour une large part énigmatiques ? L'affirmation de la démocratie, de la valeur de la critique d'un côté, le foisonnement des disciplines, les nouvelles codifications du droit de punir de l'autre côté impliquent des versions renouvelées de la politique, des sciences humaines, de la littérature et de notre présent. C'est à ce renouvellement contrasté qui s'offre comme une généalogie des Lumières que se tient au plus près Michel Foucault. Le présent dossier cherche à examiner la portée de ces évaluations plurielles des Lumières et de Michel Foucault.