En 2012, le microcosme de la poésie française ne semble pas plus beau à voir ou à écouter ou à visiter que ne l'est le macrocosme inquiétant du monde d'aujourd'hui. Il a ses tueur, ses diables et ses faux bons dieux, ses arrivismes mal dissimulés, ses racismes et ses cilices fondamentalistes, ses jalousies larvées, ses appareils d'Etat, ses fausses valeurs. On y rencontre aussi Trissotin et ses inguérissables opportunistes qui confondent le CNL avec le KGB. On y joue aux mythologues nostalgiques. On rêve ouvertement de ces "petits-grands" éditeurs de poésie (Pierre Seghers, José Corti, René Rougerie, Guy Chambelland, Arfuyen, Le Temps des Cerises, Le Castor Astral) qu'on ne saura jamais être faute d'audace littéraire. Une certitude: ce vingt-deuxième Cahiers du Sens, scrutant le MYSTÈRE. prône l'esprit libertaire face aux traders des géants de l'édition-business et à ceux qui souhaitent le devenir dussent-ils vendre leur âme. Les auteurs de la dernière livraison des CAHIERS semblent s'écrier sans déférence: "22 ! Voilà les flics de la pensée conforme ! Chassons-les !". Et ils se mettent alors, sans le savoir parfois, sous la protection du René Daumal du Grand Jeu. Souvenez-vous. Quand Daumal, dans LE MONT ANALOGUE, inventait le stylo bavant ou éclaboussant toutes les cinq ou dix minutes, " à l'usage des écrivains qui ont la plume facile ", il nous rappelait à chacun la vigilance, l'exigence de l'écriture. Quand il imaginait un poste branché à un écouteur et nous répétant de temps en temps à l'oreille "Pour qui te prends-tu ?", ou encore un coussin pneumatique appelé le "mol oreiller du doute" se dégonflant à l'improviste, il appelait au combat permanent contre une certaine robotisation. C'est justement cette lutte, constructive et fière, que chacun et chacune ont su mener en interrogeant le Mystère. Merci à tous d'avoir été fidèles une fois encore à cette éthique qui nous est si précieuse !