" Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d'être Fers et méritants à l'issue d'une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. Nous ne nous considérons pas comme les talents d'une planète soutenable ". Lors de la cérémonie de remise de leur diplôme, le 30 avril dernier, un collectif d'étudiants d'AgroParisTech appelait leurs camarades à "bifurquer". Ce discours n'est pas isolé. Il s'inscrit dans un mouvement de fond chez les jeunes, qui dénoncent les contenus de leurs formations et les parcours auxquels elles les destinent, et interrogent les finalités mêmes de notre modèle d'éducation. Celui-ci valorise en effet la compétition scolaire et hiérarchise les individus dès le plus jeune âge, sur la base de leur capacité à manier une rationalité techno-scientifique, au détriment d'autres objectifs : la formation de l'écocitoyen, incluant la transmission d'une culture commune sur les enjeux de l'Anthropocène ; la capacité à coopérer ; l'épanouissement de la sensibilité et de l'imagination ; le développement de l'initiative, du libre arbitre et du pouvoir d'agir. Ce défi éducatif a quelque chose de vertigineux. Car il ne s'agit pas seulement de transmettre des savoirs, mais de former des acteurs capables, en une génération, de faire ce que les précédentes n'ont pas su faire depuis un demi-siècle : des choix de rupture et de transformation radicale des modes de production et de consommation. Et sans même leur laisser une feuille de route claire, tant les voies et moyens pour restaurer l'habitabilité de la planète sont toujours sujets à controverse.