Le concept de rationalisation a occupé une place centrale dans l'oeuvre de Max Weber qui en a examiné les forces motrices et les manifestations empiriques dans une multitude de domaines (religion, droit, économie, administration, éthique, sexualité, musique, etc.). Si ce concept a pu être utilisé et discuté à un niveau très macrosociologique pour débattre des évolutions sociales contemporaines (dans le cadre de l'Ecole de Francfort ou de la thèse très discutée de la McDonaldisation de la société), ses usages scientifiques semblent avoir décliné, sans doute à cause de la signification trop simplificatrice et téléologique qu'il a fini par acquérir. On parle aujourd'hui plus volontiers de la néo-libéralisation du monde, de sa financiarisation ou de sa digitalisation que de sa rationalisation. Ce numéro de L'Année sociologique interroge à nouveaux frais le caractère heuristique du concept de rationalisation à partir d'une double posture : revenir aux significations multiples et aux mécanismes complexes auxquels il renvoie dans la sociologie de M. Weber ; privilégier l'opérationnalisation du concept et ses usages dans des contributions empiriques. Il rassemble ainsi des articles fondés sur des investigations de nature empirique qui font usage du concept de rationalisation et qui en montrent la fécondité et l'actualité. Loin de chercher à faire converger ce concept vers une seule et même définition, ce numéro souhaite au contraire mettre en lumière la diversité de ses interprétations et des phénomènes politiques et sociaux auxquels qu'il recouvre.