Si la confrontation à la mort fait partie intégrante du métier de soignant, si la personnalisation des soins pendant l'accompagnement et jusqu'au moment du décès est un repère dans la culture palliative pour tenir et durer dans cet exercice, qu'en est-il lors de vagues de morts et particulièrement en temps de pandémies ? L'effet cumulatif des décès, l'exposition à des situations de stress intense et prolongé, parfois l'exposition au virus avec les angoisses de mort associées, peuvent contribuer à fragiliser le soignant dans son processus de deuil.
Les unités de soins palliatifs et les EHPAD sont parfois les lieux de décès par vagues, de patients ou de résidents dont les morts se succèdent en nombre inhabituel sur quelques jours. Ces décès peuvent survenir à répétition sur le temps de présence des professionnels ou surprendre ces derniers au retour d'une période de repos. Comment est gérée et vécue cette réalité collective à l'échelle de l'équipe soignante et des bénévoles ? L'exposition répétée à la mort, a fortiori lorsqu'elle peut être vécue comme un déferlement, marque-t-elle les soignants ? Y aurait-il un seuil d'acceptabilité pour ces équipes, par ailleurs familières de la mort, quand la succession de décès expose au sentiment d'être submergé ou frustré et prend la forme d'un trauma ? On pourrait rapprocher de cette problématique et évoquer l'expérience de décès familiaux par vagues, quand plusieurs membres d'une famille décèdent en quelques semaines ou mois, ou encore quand une maladie génétique est responsable de la disparition en quelques courtes années d'une partie de fratrie.