La généralisation des constitutions écrites et l'actuelle propension à la sacralisation du texte constitutionnel invitent à repenser, dans son épaisseur historique, le phénomène de l'écriture constitutionnelle lui-même. Ne doit-on pas, sous la même appellation de constitution écrite, détecter plusieurs projets, plusieurs histoires, plusieurs styles ? Si les révolutions nord-américaines et françaises de la fin du XVIIIe siècle constituent certes des étapes-clés, on ne saurait oublier les expériences antérieures : avec la Constitution suédoise de 1720, les constitutions des colonies puis des Etats fédérés d'Amérique du Nord, ou, après 1789, la Constitution de Cadix, l'écriture constitutionnelle procède à la fois du volontarisme typique de la modernité et d'une certaine conception de la liberté, avant d'être mise à l'épreuve des faits à travers le processus de révision. Aujourd'hui, le modèle de la constitution écrite deviendrait-il irrésistible au point d'affecter les systèmes qui, traditionnellement, échappaient à son influence ? Cette victoire apparente d'un certain style d'écriture constitutionnelle signifie-t-elle que nos sociétés dominent désormais l'exercice, pourtant si ambigu et porteur de tensions, consistant à poser pour l'avenir les règles qui gouverneront la vie des Etats ? Au total, ce numéro de Jus Politicum propose donc de prendre au sérieux ce moment de l'écriture de la constitution.