Charles Melman décrit pour la première fois, en 1963, un trait clinique spécifique à certains délires de persécution hallucinatoires qu'il nomme phénomène du mur mitoyen : Nous pensons en effet, ce qui n'est pas indifférent à son interprétation, que le contact intime entre le persécuté et le persécuteur s'établit de part et d'autre d'un mur mitoyen : ceci pourrait se représenter dans l'espace comme deux êtres de chair différente de part et d'autre d'une peau commune assurant leur indéfectible solidarité. Entre eux aucun espace réel ou virtuel, mais aussi aucune autre limite qui les sépare de quelque espace neutre, libre, non habité... Pour rendre compte de manière heuristique de ce phénomène il se réfèrera plus tard à la topologie de la bande de Moebius. Là où la structure habituelle du sujet comporte une bande à une face et un bord, dont la continuité entre dessus-dessous autorise questionnement et division, se substitue dans la psychose une bande biface à deux bords, avec la séparation entre un intérieur et un extérieur. Ce repérage éclaire des pans entiers des psychoses et fraie l'analyse structurale de phénomènes sociaux et politiques contemporains où l'autre n'est plus notre prochain mais prend la figure de l'étranger voire de l'ennemi, de l'autre côté de la frontière : ségrégation, complotisme, nationalisme... Il nous invite aussi à une révision de la conception kantienne de l'espace : celui, subjectif, du désir n'est pas homogène selon les structures cliniques.