C'est une boucle singulière que nous vous invitons à parcourir. Car ce numéro 8 illustre pour l'occasion le fameux ruban dont Möbius découvrit jadis l'étonnante particularité. Avouons-le sans ambages, nous sommes véritablement heureux de compter parmi nous Patrick Tort, historien des sciences et théoricien de la connaissance, qui s'emploie notamment depuis trente ans, au fil d'une oeuvre considérable, à rétablir la juste interprétation que l'on doit faire de la pensée de Charles Darwin. Il faut avoir à l'esprit les conséquences parfois barbares qu'eurent jusqu'à nos jours les révoltantes interprétations dont souffrit la célèbre théorie de l'évolution de Darwin pour mesurer l'immense intérêt que revêt l'oeuvre de Patrick Tort à ce sujet, une oeuvre qui balaie tout ce qu'un siècle de " darwinisme social " a frauduleusement tenté de nous inculquer. Les implications scientifiques, éthiques, politiques, de ce " darwinisme " qui n'en fut jamais un, sont légion, et leur compréhension est absolument nécessaire pour analyser notre société. Car il existe un effet réversif de l'évolution dans la théorie darwinienne, un effet apparemment tout aussi surprenant que la propriété du ruban qui l'illustre, et qui, à la sélection " du plus fort " propre au règne animal, substitue quant à l'espèce humaine la sélection d'instincts sociaux et protecteurs. Nous avons naturellement accordé une large place à Patrick Tort, qui a bien voulu répondre à des questions de la plus haute importance. A cette longue entrevue s'ajoutent bien entendu de nombreuses autres contributions. Nous retrouvons une philosophe qui nous est chère et suivons Eliane Martin-Haag sur le chemin qui mène De l'opinion selon Rousseau à l'idéologie selon Marx. Pierre-Ulysse Barranque poursuit pour sa part une série d'études initiée au numéro précédent, avec un texte intitulé Pratique intellectuelle et répression sociale de l'art chez Karl Marx. Sébastien Miravète présente Moralité, esthétique et vérité de la clinique et de l'expérimental. Quant à Ilan Kaddouch, qui enseigne la musique en général et le piano en particulier, il nous révèle, avec l'Etude de trois cas d'improvisation issus de son expérience de pédagogue, que la création musicale improvisée est un dialecte représentatif de la construction de notre existence au sein d'un monde de significations partagées. Nous accueillons par ailleurs la roumaine Oana Luiza Barbu qui fut conduite, par ses travaux en sociologie et en sciences politiques, à penser La sanction artistique des abus du régime totalitaire dans la Roumanie post-décembriste ; et retrouvons le cinéaste Yann Beauvais qui, encore et toujours, nous fait bénéficier de son incomparable connaissance de l'art cinématographique, avec une analyse des films de Daniel Eisenberg. Nous n'oublions pas de faire place aux dessins de Kevin Lucbert, ainsi qu'à la poésie de Serge Pey et Laurent Jarfer. Quant à celle qui s'efforce de vous servir tout cela en beauté ? Saluons notre indispensable graphiste et illustratrice, Laurence Gatti.