L'habitabilité, dont traite ce numéro, permet d'explorer la dimension pragmatique de la relation à l'espace mise en jeu par l'habiter. Comment, sous quelles conditions et dans quelles formes l'espace est-il saisi et travaillé pour être approprié? On connaît de l'habitabilité des conditions minimales, que fixe la réglementation. Mais comment intègre-t-elle l'habiter, c'est-à-dire les identités, les désirs et les sensibilités, au travers du rapport à l'espace ? Comprendre l'habitabilité demande de dépasser l'analyse de l'habitat pour considérer la manière dont formes et normes sont mobilisées et investies pour permettre l'expression de spatialités singulières, individuelles ou collectives. Les articles de ce dossier nous y invitent au travers d'espaces souvent dénoncés ou traités en raison de leur non-habitabilité : le périurbain non durable, le rural "profond" déserté, les vides urbains délaissés, les espaces du transit éphémère. Ces lieux inattendus révèlent l'écart entre une approche spatialiste, supposant des qualités objectives, et des approches habitantes considérant les pratiques, les relations sociales et les processus de construction de relations. Ils questionnent ainsi nos référentiels, montrant qu'il s'agit avant tout de lieux dont on n'a pas su observer l'habitabilité.