Synthèse inouïe de tradition et de rupture, l 'oeuvre de Georg Trakl (1887-1914) représente 1'une des avancées les plus extrêmes de la poésie de son temps. Comme l'écrit dans ce numéro d'"Europe" Claudio Magris : "La poésie de Trakl
est une fondation du monde. Il fait partie de ces poètes qui, à l'instar de Hölderlin, sont appelés à fonder une vérité ou à en révéler l'absence, à rendre la terre habitable ou à montrer l'inhabitable. Lire Trakl, c'est s'interroger sur les choses dernières, sur la possibilité même de la poésie, sur le sens extrême de la vie. Les interprétations de Trakl sont autant de confrontations avec l'essence de notre destin. Par son obscur drame personnel et sa géniale expérience lyrique, ce poète si trouble et pourtant si pur de la vieille Autriche - qui s'effritait et se rompait en même temps que lui -, a incarné le crépuscule d'une civilisation pluriséculaire. Lire Trakl, c'est aussi se demander si ce crépuscule, qui descend simultanément sur l'histoire générale et sur l'existence individuelle, signifie une extinction définitive ou une nuit obscure que nous devons traverser pour atteindre une nouvelle aurore. Les interprétations de Trakl - et les traductions de ses poèmes, qui présupposent toujours une interprétation - investissent ces interrogations fondamentales sur notre destin et concernent certes la poésie, mais aussi la vie même de Trakl, tant il est vrai que dans ses épaisses ténèbres et ses éclatantes gerbes de lumière, son parcours terrestre fut éprouvé comme un poème absolu." La parution en 1963 du "Ciel divisé" valut d'emblée à Christa Wolf une considérable notoriété, d'abord dans son pays, la RDA, puis à l'étranger. Aujourd'hui reconnue comme l'un des plus grands écrivains contemporains de langue allemande, Christa Wolf a pu dire que tous ses livres étaient "nés de l'accord ou de la friction, de l'espoir ou du conflit". La matière de son oeuvre est inséparable d'un long cheminement accompagné par cette interrogation : comment être lucide ?