Qu'il s'agisse de philosophie, de littérature, de politique ou de théâtre, l'ouvre de Philippe Lacoue-Labarthe (1940-2007) retient l'attention par sa remarquable qualité intellectuelle, sa rigueur sa sobriété : tout y est appelé par l'exigence la plus haute, la plus sévère aussi. Le philosophe, disait-il, est celui qui ne cesse de " s 'étonner devant ce qui est, ou même qu'il y a ce qui est, que c'est ainsi et pas autrement. Le philosophe est celui pour lequel rien ne va de soi. " Il fut philosophe, mais non moins écrivain. Grand lecteur des Romantiques allemands, de Holderlin et de Celan, mais aussi de Rousseau, Diderot, Baudelaire, Freud, Blanchot et Marx, il fut également traducteur de Nietzsche, Benjamin et Heidegger (avec qui il poursuivit dans toute son oeuvre une inlassable et douloureuse explication), homme de théâtre (il traduisit Antigone et Œdipe le tyran de Sophocle d 'après la version de Holderlin. Les Phéniciennes d'Euripide et signa plusieurs mises en scène). Philippe Lacoue-Labarthe s'est montré particulièrement sensible d la question du politique et de sa fiction, de même qu'au partage de la littérature et de la philosophie. Ce partage singulièrement mis à vif chez lui, il le saisit dans toutes les questions - celles du mimétisme au premier chef (imitation sans modèle), du récit et de la voir, de la scène, de la fable et du mythe, du legs de la modernité - laissées ouvertes, dans un suspens auquel il se tint, non sans risque, dans sa pensée comme dans sa vie. L'ensemble de son oeuvre - La Poésie comme expérience, La Fiction du politique. Musica ficta, pour ne citer que ces livres qui forment une manière de trilogie dans son travail - témoigne de sa passion jamais démentie pour la pensée, la poésie, le théâtre, la musique, l'art. Il fit également paraître en 2000 un admirable recueil intitulé Phrase, dans lequel il livrait l'essentiel de sa réflexion sur le poème. L'" Allégorie " (2006) et Préface à " La Disparition " (paru après sa mort), récits énigmatiques et bouleversants, confirment l'indéniable beauté de son écriture. Ce cahier d'Europe retrace les questions fondamentales inséparablement politiques et esthétiques - auxquelles Philippe Lacoue-Labarthe s'est confronté et exposé, non sans courage.