L 'œuvre de Franck Venaille se détache désormais avec évidence parmi les aventures poétiques les plus intenses de notre temps. Hantée par une violence originelle et marquée au fer rouge de 1 'Histoire - la guerre d'Algérie- elle a très tôt tenté de transférer dans les mots 'énergie de l'angoisse et de la révolte, la sueur du désir et les morsures de la douleur. Une mystérieuse puissance d'émotion en émane, révélant la singularité d'une voix qui aime varier ses rythmes, donner de l 'ampleur au souffle ou au contraire le heurter, le briser et qui sait passer du tragique au grotesque, de l 'ardeur épique à l'objectivisme lyrique, ou du sanglot à l'humour jaune sans se départir d'une secrète élégance. Entre Ostende et Trieste, Londres et Paris, les rives de l'Escaut et les montagnes de 1'Engadine, cette œuvre trouve aussi ses assises dans une géographie à la fois réelle et intériorisée au point d'acquérir la vertu des mythes. De même voit-on se dessiner toute une constellation d'amitiés totémiques, de fraternités durables, une lumineuse rosace de solitudes ou se côtoient Maeterlinck et Jouve, Morhange et Saha, Kierkegaard et Brecht, mais aussi les silhouettes de Wozzeck et de Golaud, les chevaux de trait des Flandres et l 'équipe de football du Red Star. Cette œuvre inquiète, tourmentée, amère et cependant généreuse, dissimulant à peine une fondamentale tendresse, est d'une allure si juste qu'on en frissonne de bonheur.