Ecrivain majeur de l'entre-deux-guerres, Emmanuel Bove a été redécouvert au cours des dernières décennies. On a pu voir en lui un Beckett sans métaphysique, un existentialiste sans idéologie, un précurseur du Nouveau Roman... Peut-être est-il d'abord un écrivain qui excelle à évoquer ces zones ténébreuses
qui habitent l'homme, ces parages " entre chien et loup " qui nous préoccupent tant aujourd'hui. L'originalité de son écriture, qui avait jadis enthousiasmé Max Jacob et intéressé Rainer Maria Rilke au point qu'il voulut rencontrer l'auteur, n'a pas épuisé son pouvoir de fascination. Lire Bove, c'est plonger, à l'écoute d'une voix dont la tonalité et la cadence sont sans équivalent, dans la douleur des humbles, les victimes d'une société qui ne leur donne pas de place, mais c'est aussi rencontrer un univers qui, comme l'écrivait Jean Cassou, " s'impose à notre esprit et à notre affection, avec toute cette humanité qu'il porte en lui ". Lire Bove, c'est encore découvrir que " si le monde est une prison, il revient à chacun de nous de lutter pour sortir de son cachot, pour regagner de nouveau sa liberté ".