L'opéra est sans doute le plus complexe, le plus hybride et le plus polymorphe des genres artistiques. Ce numéro d Europe se propose de discerner et de comprendre les défis auxquels il se trouve confronté aujourd'hui. Tout au long du XXe siècle, on ne cessa de déclarer mort l'opéra, tantôt pour des raisons esthétiques (le théâtre des affects et l'expression lyrique furent jugés désuets par les avant-gardes), tantôt pour des raisons sociales (trop intrinsèquement aristocratique et l ou bourgeois) ou encore politiques. L'opéra ne cessa pourtant de renaître de ses prétendues cendres : par-delà les fortes mutations artistiques, idéologiques et technologiques que nous avons vécues ces dernières décennies, sa vitalité reste aujourd'hui impressionnante. Comment la comprendre ? En raison de sa pluralité intrinsèque (il est un lieu de convergence et de tension entre les arts, les langues et les cultures), et en raison de son imaginaire spécifique CI porte la mémoire esthético-politique du théâtre grec et cristallise, en les exacerbant par la voix chantée, les ressorts cachés de la psyché humaine comme ceux du corps social), le genre de l'opéra reste sans doute le prisme par excellence par lequel peut se penser notre rapport au monde. Tout en plongeant au coeur de quelques réalisations admirables qui ont marqué la dernière période, ce numéro d'Europe interroge aussi le fonctionnement des institutions, la production des spectacles, les tensions entre patrimoine et création ou encore les relations nouvelles entre l'opéra et son public. Il s'attache également à mettre en perspective la mondialisation de l'opéra, c'est-à-dire l'implantation hors Europe dan modèle lyrique né en Occident précisément en Italie autour de 1600. Les réflexions et témoignages recueillis dans cette livraison de la revue sont autant d'éclats par lesquels peuvent se dessiner des réponses, nécessairement plurielles, à la question de l'avenir de l'opéra.