Depuis son premier texte, Mourir m'enrhume, paru en 1987, Eric Chevillard a publié une trentaine de livres. Et très tôt, la critique s'est intéressée à cette voix nouvelle. Audacieuse et jubilatoire, l 'oeuvre de cet écrivain témoigne d 'une volonté de voir le monde autrement. Eric Chevillard aime à filer ses romans depuis des motifs improbables, empruntant à la ménagerie de service : un crabe, un hérisson, un orang-outan, une loutre, différents spécimens humains, auteur, capitaine, démarcheur, tailleur fantômes hantant les fonds et les traverses de la langue, les réserves et les bas-fonds de la fiction. On voit se dessiner à travers ses livres le profil d'un écrivain joueur, usant volontiers des figures du non-sens et du loufoque, dans le but avoué de faire dérailler la logique ordinaire. Les ressources de son invention semblent infinies, tout comme celles de son humour subtil et féroce. Cette littérature de la surprise et de l'incongru n 'est jamais complaisante à 1 'égard de 1 'ordre des choses. On y discerne au contraire une pensée du rire critique et de l'interrogation sournoise qui passe résolument au large de la moralisation pérorée et du discours assené sur un ton docte et péremptoire. Avec Eric Chevillard, la littérature n ' rien perdu de son appétit de narration, même si elle n 'est plus un miroir promené sur le monde mais un exercice illimité de mise en question de l'univers.