A côté de l'édifice doctrinal de l'esthétique classique sous-tendu par l'idéal de " l'art pour l'art ", mais beaucoup moins valorisées, d'autres esthétiques ont développé ce qui s'apparente à une morale ou une politique des beaux-arts. Ces dernières, loin de se rallier à l'idée d'une " finalité sans fin " des œuvres d'art, les lient au projet collectif d'une société policée, et leur confère fonction, râle et efficace au cœur des agencements sociaux et culturels modernes. Notamment, ceux que le XVIIIe siècle finira par comprendre sous le nom de " civilisation ". L'art a sa place dans l'exercice de la sociabilité, entendue, dans cette perspective, comme l'ensemble des manières communes de vivre.
C'est un tel chantier qui est ici remis à l'œuvre. D'autant que, l'art moderne et contemporain, dans certains de leurs engagements, assument un rôle déterminant dans l'invention et la pratique de nouveaux modes de sociabilité. Ils pratiquent des démarcations qui fonctionnent comme autant de partages du sensible. Les œuvres en question, qui n'excluent donc pas d'avoir l'espace public pour site, mettent des notions comme l'urbanité, la sociabilité ou l'échange, voire l'harmonie ou le bonheur, au centre de leur conception ; elles visent autant ou plus à ouvrer qu'à se constituer en œuvres, à transformer la beauté en une problématique publique discutable. À l'exploration des limites plastiques de l'autoréférence de l'art, ces tendances, qui se font jour dans l'art contemporain, substituent la recherche de liens, l'intégration dans les modes de sociabilités où elles agissent.
En mettant enjeu des sociabilités, elles peuvent tout autant reproduire ce qui est que le mettre en question ou anticiper d'autres perspectives. L'art pourrait donc mettre en détresse l'épaisseur inerte des couches convenues de comportement qui emmaillotent le corps.