Le siècle des Lumières a hérité de la notion de " République des Lettres ", décrite aujourd'hui comme une sphère intellectuelle et sociale organisant la construction et la représentation des savoirs. Les scientifiques y constituent un groupe dont les pratiques s'autonomisent et s'institutionnalisent : est-ce suffisant pour parler d'une " République des sciences " ? Si le terme est employé à l'époque, par Condorcet par exemple, il reste pourtant une construction dépeignant un idéal non atteint et l'" empire des sciences " est loin d'avoir des frontières, internes ou externes, aisément repérables. Nous avons soumis cette question au crible des études récentes sur la circulation des informations et la constitution des identités. Les vingt études présentées ici montrent comment des traditions d'échanges déjà établies entre gens de lettres et gens de sciences se conjuguent avec des modes discursifs propres aux " lieux " ouverts à de nouvelles pratiques et à de nouveaux contenus que sont périodiques, échanges épistolaires, académies ou encyclopédies. On y repère comment sont modifiés les canaux de circulation de l'information (livres, journaux), les instances et pratiques de reconnaissance (recommandations, jugements, expertises), les rôles et positions des divers médiateurs entre autorité et opinion. On y voit enfin comment interfèrent les réseaux éditoriaux, académiques ou religieux avec les réseaux idéologiques, géographiques ou épistolaires. Les recherches, fondées sur des corpus nouveaux par leur constitution et par l'interrogation à laquelle ils sont soumis, permettent de caractériser historiquement réseaux et acteurs scientifiques et de renouveler les interprétations anciennes.