Les pays de l'Union européenne, comme les autres pays occidentaux, développent une culture politique de séparation et d'opposition entre ceux qui peuvent circuler librement de par le monde et ceux pour qui cela est interdit. Ce mur symbolique a pris notamment la forme d'un commun titre européen de division du monde et de rejet : le visa Schengen (Cultures & Conflits n° 49 et 50). La volonté de mise à distance des étrangers autres que ceux utiles à l'économie s'exacerbe aujourd'hui avec les politiques de répression et d'enfermement des exilés : c'est l'Europe des camps. Il ne s'agit ni seulement des " camps de réfugiés " qui apparaissent près des zones de conflits ou de catastrophes, ni des " camps de concentration " que l'Europe connut durant la seconde Guerre Mondiale. Il s'agit de la multitude des lieux d'enfermement et de regroupement forcé des exilés qui se tournent vers l'Europe pour y trouver refuge, qu'ils soient demandeurs d'asile, réfugiés, sans-papiers ou en transit dans les pays voisins. La prolifération de ces camps d'exilés donne à la carte européenne une figure marquée par l'histoire actuelle de la phobie des exilés. Cette figure révèle une transformation profonde des cultures européennes et signale les implications de ce tournant aux marches de l'Europe : des voisins subordonnés et réduits à la fonction répressive de gardien des frontières.