Que dit-on lorsque l'on dit "nous" ? C'est une question qui engage nos identités, nos appartenances, nos désirs, nos combats. Qui nous ? Nous le peuple ? nous les femmes ? nous tous ? nous seuls ? nous deux ? -"nous deux encore", comme disait Henri Michaux ? Historiens, sociologues et philosophes se mobilisent ici pour une enquête sur les "nous" d'aujourd'hui, c'est-à-dire sur ce qui nous rassemble et ce qui nous divise. Ils réfléchissent au devenir du "nous" occidental, du "nous" moderne, du "nous" humain. Ils analysent les mobilisations récentes - ce qui s'est passé à "Nuit debout" notamment, quels "nous" s'y sont institués, éprouvés ou dispersés. Mais il revenait aussi à des écrivains d'entrer dans cette arène. Car à l'écoute de la langue la question s'infléchit ; elle n'invite plus à se demander qui est "nous", mais ce qu'est un "nous" : comment un sujet collectif se construit, se noue et se dénoue, comment on en abuse, comment on lui échappe pour mieux le reconstruire. Les efforts déployés dans ce numéro, coordonné par Marielle Macé, convergent vers une même leçon : "nous" est peut-être moins une affaire d'identité que d'affirmation d'une cause, de quelque chose à quoi tenir. La question n'est alors pas tant de déclarer qui l'on est que de se demander qui l'on sera si l'on s'assemble, d'éprouver ce que l'on pourra si l'on s'y met à plusieurs, et ce dont on ne veut plus.