On ne cesse de pronostiquer son déclin face à Bruxelles, à la globalisation, aux marchés ; face aussi à l’émergence d’espaces régionaux présentés comme les communautés de l’avenir. L’État n’aurait plus qu’à se retirer à petit bruit. Mais en France, où il fut le socle de la nation, une telle sortie ne saurait se faire sans fracas.
Le quinquennat qui prend fin ces jours-ci aura beaucoup fait pour ramener sur le tapis la question de l’État, de ses prérogatives, de son fonctionnement, de sa « productivité ». Sans oublier son « exercice », dont Pierre Schoeller a fait un film : L’Exercice de l’État, qu’analyse Patrizia Lombardo dans ce numéro. Qui ne perçoit le paradoxe ? Toute une politique de désengagement de l’État sur le terrain aura été menée par une présidence aux pouvoirs renforcés, adepte affichée du référendum à tout-va et encline à considérer les « corps intermédiaires » comme autant de bâtons dans ses roues.
Cette situation ne laisse indifférents ni les juristes, ni les politistes, ni les historiens – ni les citoyens. Comment aujourd’hui envisager l’État ? Comment le définir ou le redéfinir ? L’État est à redécouvrir, peut-être à réinventer.
Dominique Rousseau, dans l’entretien qu’il nous a accordé, commente en juriste les aspects saillants de cette crise et dessine un avenir possible pour l’État. Olivier Beaud analyse, en juriste lui aussi, Le Droit et la Nécessité de Michel Troper. Philippe Portier nous parle d’un récent ouvrage d’Arnaud Esquerre et s’interroge sur la manière dont l’État régit la mort et du même coup les vivants. Et puisque l’« inactualité » est souvent la meilleure manière d’aborder l’actualité, notre dossier s’ouvre sur la réflexion que Pierre Bourdieu, il y a près d’un quart de siècle, menait sur l’État dans des cours au Collège de France qui viennent d’être publiés et dont rend compte Fabien Jobard.