La prédication est inhérente à la nature du christianisme et elle constitue l'Eglise. Jésus l'a inaugurée en quelque sorte, en prenant le relais des prophètes, en faisant connaître la Parole même du Père, en expliquant les Ecritures... A la Pentecôte, les Apôtres, qui avaient reçu la parole du Christ, ont commencé à la transmettre à leur tour. Leurs successeurs, les Pères de l'Eglise, qui ont su faire leur la Parole de Dieu, l'ont interprétée sous la mouvance de l'Esprit Saint et ont ainsi contribué à la construction de leurs communautés et, par là, de l'Eglise.
Au IV° siècle, certains d'entre eux ont été des virtuoses dans le domaine de la prédication. Il n'est qu'à penser aux Cappadociens, à S. Jean Chrysostome, à S. Cyrille de Jérusalem, à S. Ambroise, à S. Augustin, pour n'en citer que quelques-uns... Le plus illustre prédicateur est certainement Jean Chrysostome, qui, comme le montre Laurence Brottier, a su réaliser le tournant de l'éloquence païenne à l'éloquence chrétienne, en déployant les richesses de la Parole de Dieu et en sachant s'effacer devant la Parole qu'il annonçait.
Dans le même temps, d'autres prédicateurs ont opté pour les homélies dramatisées. Comme le précise Judit Kecskeméti, ils ont introduit, dans leurs homélies, des récits, proches certainement des apocryphes, pour mieux faire comprendre la Parole de Dieu. A l'opposé, explique Alexandre Olivar, Sévère d'Antioche refuse toute espèce de rhétorique, tout usage de l'imagination et présente la prédication comme l'acte commun du prédicateur et des auditeurs, tout entier centré sur la figure du Christ.
En passant cette fois de l'Orient à l'Occident, nous rencontrons les deux grandes figures d'Ambroise de Milan et d'Augustin d'Hippone. Si la prédication d'Ambroise nous est connue par l'intermédiaire d'Augustin qui en a été particulièrement marqué (Confessions V, 13, 23-14, 24), paradoxalement nous ne disposons aujourd'hui que de quelques homélies d'Ambroise. L'article d'Hervé Savon présente l'avantage de réaliser un état de la question et d'étudier la Lettre à Constantus, qui est le programme de prédication d'Ambroise.
Il fait également ressortir que, d'après Ambroise, l'évêque est l'homme de la parole, celui qui a le courage de parler, lorsque parler est périlleux. Mais il ne parle pas de lui-même : il a d'abord reçu du Christ l'eau vive et son coeur devient à son tour une source dont découlent des fleuves (p. 36). C'est également de cette manière qu'Augustin conçoit sa tâche de prédicateur. Isabelle Rochet reprend la belle expression de "semeur des mots de Dieu" (p.
53) pour la définir. Elle rappelle également le caractère christique de la prédication en reprenant celte image : "Les prédicateurs montent en contemplant le Christ, ils descendent en le prêchant , ils montent vers le Christ-tête, ils descendent vers le Christ en ses membres. De la sorte, ils ne s'éloignent jamais du Christ et, puisque le Christ parle en eux, tout comme il est présent dans leurs auditeurs, Augustin n'hésite pas à dire que Le Christ s'évangélise lui-même (ln Ps 74, 4)".
A partir de ces quelques perspectives, force est de constater que les Pères ont été des pionniers dans le domaine de la prédication, comme ils l'ont été dans celui de la liturgie, de l'exégèse, de la dogmatique... Marie-Anne Vannier