S'il est une réalité qui caractérise l'époque patristique, c'est bien la fraternité qui a permis aux communautés chrétiennes, réunies autour de leur Abba qu'était l'évêque, de durer malgré les persécutions. Bien que la mise en oeuvre de la fraternité réponde à l'anima una et au cor unum de la première communauté de Jérusalem, comme l'explique Jaime García à propos d'Augustin, il ne faudrait pas non plus idéaliser, car les tensions n'étaient pas absentes des premières communautés, comme s'en fait l'écho, par exemple, l'Epître aux Corinthiens de Clément de Rome. Il n'en demeure pas moins, comme le montre Michel Dujarier que, dans les premiers siècles, l'Eglise se définit comme fraternité. "L'emploi de ce mot (adelphotès), précise-t-il, était une nouveauté remarquable [... ]. L'appellation de frères ou de soeurs est devenue d'une utilisation très fréquente entre les chrétiens à cause de leur lien vital avec le Christ-Frère" (p. 2). A partir du IVe siècle, et souvent en réaction à l'arianisme, les Pères expliquent que l'origine de la fraternité est un don de Dieu, de la Trinité, à laquelle le Christ nous introduit. Adoption divine et fraternité vont de pair. Jean Chrysostome en dégage les conséquences pratiques, sociales, en faisant ressortir le lien indissociable entre le sacrement de l'autel et le sacrement du frère qui exprime la fraternité en actes. S. Benoît procède de manière analogue, en partant cette fois du baptême, comme le précise Michel van Parys pour rendre compte de la filiation divine et de ses conséquences qui ne sont autres que l'amour fraternel, qui amène à l'organisation de la vie monastique comme "la communion entre frères" (p. 42), une communion plurielle et fraternelle. Finalement, Bruno Demoures met en évidence la dimension prophétique de la fraternité monastique qui exprime à quel point la fraternité est essentiellement un don et constitue à la fois un défi et une espérance pour notre société.