"Les mots Mysterion, Mystagogia portent en langue grecque des résonances d'une incomparable richesse qu'ils tiennent tant de leur étymologie, de l'usage qu'en fit la Grèce antique que de celles qu'ils ont reçues de la tradition chrétienne à partir de l'enracinement biblique, des perspectives ouvertes par les écrits pauliniens et de la floraison patristique. Au départ, une onomatopée Mu, le frémissement indistinct qui résonne depuis les profondeurs de la gorge, mais aussi le mouvement presque imperceptible des yeux qui se ferment, des lèvres qui se contractent, signes de retrait, de silence, auxquels s'applique l'énigmatique fragment d'Héraclite : "Le dieu dont l'oracle est à Delphes ni n'affirme ni ne cache, mais suggère". La nouveauté inouïe dont Paul se dit le messager, est que, dans et par le Christ, ce qui jusqu'alors demeurait secret, réservé à des initiés, est maintenant dévoilé, mais seulement au travers des signes, car la pleine réalité n'est pas encore manifeste. Et c'est là, précisément dans la tension entre le déjà et le pas encore que se situe la différence d'accent entre la tradition chrétienne la plus immédiatement enracinée dans l'héritage hellénique et celles qui ont plus directement puisé à une source de saveur quelque peu différente. Tel est notamment le cas pour les Eglises d'expression syriaque. Le terme araméen Raza garde de son origine iranienne et de l'usage qu'en faisait la langue politique de l'Empire perse une certaine insistance sur le caractère de secret en référence aux plus hauts intérêts du royaume. En conséquence, l'accent est mis sur le pas encore, alors que dans les cultures profondément hellénisées on souligne le déjà, la présence - encore non manifestée mais agissante - des réalités ultimes", Irénée-Henri Dalmais, "La mystagogie dans les Églises d'expression syriaque", dans XXXIXes Conférences liturgiques de Saint-Serge, Rome, 1993, p 103.