La communauté doit être comprise comme un processus organisant et organisé résultant de la constitution permanente de peuples, de collectifs et de groupes qui cherchent à articuler leurs singularités avec une vie sociale collective marquée par des relations de proximité et par la recherche du commun. La notion de communauté sera ici pensée comme un travail : travail de discussion de valeurs, d'élaboration de normes ou principes, travail d'auto-organisation et de stabilisation de groupes sociaux. L'approche sociologique de F.Tönniez a construit au début du XXe siècle le concept de communauté de manière binaire, distinguant les relations communautaires et les relations sociétaires et les mettant en opposition. Selon l'auteur, les relations communautaires se caractérisent par la convivialité et l'intimité fondées sur des relations de parenté ou de voisinage présentes dans les sociétés traditionnelles et rurales ou se perpétuent des coutumes et habitudes liées à une économie domestique et agricole. Le passage à la modernité industrielle provoque des ruptures dans les relations de sociabilité et se développent de nouvelles formes de vivre ensemble. Si auparavant, le vivre ensemble se faisait sur la base d'affects, de complicités, de proximité et de compagnonnage, dans les relations sociétaires prédomine le mode du contrat, de la sociabilité marchande qui comporte une grande part de rationalité. Nous retenons deux pistes issues de la perspective de Tönnies. D'une part le fait que la question de la communauté se pose à un moment de transformation sociale majeure, celle que Tonnes observe en son temps et celle que nous connaissons un siècle plus tard, dans nos sociétés mondialisées, globalisées et numérisées. D'autre part, nous en retenons l'importance de la question des relations en présence, relations aujourd'hui renouvelées, complexifiées et dont nous proposons d'explorer la dimension agissante, notamment dans la perspective des formations- transformations sociales en cours de part et d'autre de l'Atlantique. Ce dossier met ainsi en question et en débat les manières de comprendre les relations entre organisations et communautés, envisageant le rôle des conflits, la présence de formes de violence, les tentatives d'instauration d'une justice économique et sociale, au point d'articulation entre intérêts corporatifs et demandes sociales-civiques (Deetz 1992, Bauman 2003). Ceci souligne le croisement existant entre les perspectives sociale, économique et historique présentes dans le concept de communauté.