Crise, mutation, sous ses multiples formes, la "rupture" est devenue la matrice analytique de notre société. La notion de "rupture" joue un rôle central dans notre mise en récit. Elle est à la fois un processus de sélection des possibles et un instrument d'articulation entre continu et discontinu. Penser la diversité des acceptions de cette matrice épistémologique et artistique ne peut se faire qu'au prisme de l'interdisciplinarité. C'est précisément l'enjeu de ce Numéro qui rassemble six contributions faisant dialoguer autour d'une même notion le théâtre de Beckett et la peinture de Francis Bacon, la sculpture d'Alberto Giacometti et les romanciers indigénistes hispano-américains, la traduction poétique et la peinture de Nicolas de Staël, le cinéma de David Lynch et l'Evangile de Marc.
L'axe d'étude commun à ces contributions est celui des "représentations", au sens à la fois esthétique et discursif de créations et de mises en évidence de la rupture. Cette approche centre l'analyse sur l'intention et les ressorts intellectuels et techniques de la création de ruptures. Elle invite à explorer les multiples façons dont la rupture est suscitée, pensée, imaginée, créée, dévoilée. Elle souligne la force de la rupture comme ébranlement créatif, mais aussi processus sélectif non clos. En reconfigurant sans abandonner définitivement, la rupture est donc avant tout une ouverture, un glissement vers de nouveaux possibles.