La globalisation devient un paradigme central du débat stratégique américain tant elle apparaît comme un défi sécuritaire. Crises asiatique et russe, aggravation des crises politiques et sociales en Amérique Latine, transnationalisation des mafias et corruption endémique qui paralysent les processus démocratiques : force est de constater que le modèle de la market democracy supposée allier libéralisation économique et démocratisation est un échec. C'est dans un tel contexte que le débat américain se recompose autour des problématiques de la "complexité" et du "chaos" du monde.
La RMA (Révolution in Military Affairs) perd de sa pertinence dans la mesure où elle demeure fondée sur une approche capacitaire (intégration aux systèmes militaires des technologies de l'information, et d'ici 2025 des biotechnologies) qui a peu d'emprise conceptuelle sur la mutation sociale du militaire. La nécessité de penser les voies et moyens pour faire face aux rogue states du futur mais aussi aux facteurs asymétriques issus de l'extension des "zones grises" conduit à un appel à l'interopérabilité et l'intégration multidimensionnelles - interalliés, interagences, civilo-militaire.
Face à la "complexité" du monde globalisé la Supériorité informationnelle est un atout incomparable. Dans les domaine de la "cyberpuissance" et de l'observation spatiale les Etats-Unis tentent de conserver leur monopole. Le moyen demeure l'excellence technologique mais aussi la codification des normes et standards, l'extension des vulnérabilités et la sanctuarisation (protection des systèmes, par la militarisation accrue si nécessaire).
La maîtrise de la complexité de l'environnement comme but stratégique du leadership américain s'annonce comme une tautologie, shaping the world puis shaping the globalization. Cette tautologie renvoie à la diffusion de normes et de régimes techno-économiques, sans tentative de refonder le système interétatique et ses moyens institutionnalisés de sécurité collective. Dès lors la faiblesse de la médiation politique sape les effets dissuasifs de la force militaire. Ce paradoxe apparaît en filigrane dans le débat stratégique américain marqué par la nécessité de redéfinir les instruments du leadership.