Pour son trentième numéro, Awal a choisi de publier les Actes du colloque de Paris, des 31 janvier et 1er février 2003, intitulé " Jean Amrouche et le pluralisme culturel " et réunissant une quinzaine de chercheurs de différentes disciplines. Quarante-deux ans après sa mort, l'apport tant politique que littéraire de Jean Amrouche est encore absent de la réalité algérienne. Un oubli peut-être inscrit dans la radicale étrangeté de celui qui ne se sentait " ni tout à fait français ni tout à fait africain ". Pourtant, certaines questions qu'il a su poser à l'État-nation sont restées presque entières. Parmi celles-ci, son désir de refonder une nation algérienne à partir de sa diversité ethnique, religieuse et culturelle. Un problème qui n'a toujours pas été résolu et qui explique en partie la crise actuelle. Occupant une place singulière du fait de son statut d'assimilé dû à sa confession chrétienne et à sa nationalité française, Jean Amrouche témoigne du dilemme de l'écrivain maghrébin, partagé entre la revendication des origines et le désir d'assimilation à la culture occidentale. Bien que se voulant cette " arche ", ce " pont qu'on piétine " entre deux mondes, la tragédie de 1945 et la guerre vont de plus en plus l'éloigner de la France, sa " patrie de l'esprit ", et le conduire à s'interroger sur le droit qui fonde le dominant à éliminer le dominé en raison de son infériorité ethnique et à décrire, en précurseur ce que Bourdieu appellera " la violence symbolique ", cette violence cachée que l'on subit malgré soi et qui consiste à inculquer chez le dominé le stigmate et à considérer qu'il le définit. Solitaire mais solidaire, Jean Amrouche va élever la voix pour défendre ses frères, en quête, comme lui, d'une identité et du " besoin tragique d'avoir un nom ". C'est ce parcours complexe et les problématiques qu'il soulève qui sont retracés ici.