La parution du vingtième numéro de notre revue, consacré à la condition féminine au Maghreb, coïncide avec la naissance d'un nouveau millénaire. Cela donne à notre vœu le plus cher, à savoir la reconnaissance du droit des femmes à l'égalité et à la dignité, une dimension symbolique que nous espérons de bon augure.
Pourtant, à lire la plupart des articles de ce numéro, les femmes du Maghreb ont encore bien du chemin à faire pour se libérer de leurs chaînes. Là où, en Occident le féminisme vise à faire reconnaître le droit des femmes à l'épanouissement personnel, à l'indépendance financière et à l'accès aux mêmes droits que les hommes, au Maghreb, la lutte des femmes se limite à préserver de maigres acquis, comme le droit au travail ou l'égalité matrimoniale, face à une conception foncièrement inégalitaire et qui prétend tirer sa source des commandements divins. Car, comme le montrent en particulier les articles de ce dossier consacrés à l'Algérie, la conquête de l'indépendance a été l'occasion pour bien des idéologues de vouloir enfermer les femmes dans un carcan rigide au nom d'on ne sait quelle " authenticité " brimée par la colonisation. Le slogan bien connu pendant la guerre, " La femme, gardienne des traditions face à la dépersonnalisation coloniale ", montre bien le rôle mutilant que les doctrinaires veulent faire jouer à la moitié de la population. D'où la difficulté, pour de nombreuses féministes, de choisir entre la revendication d'une identité féminine spécifique et le " grignotage " de quelques timides réformes arrachées au rigorisme ambiant.
L'image qui se dégage de ce recueil n'est cependant pas entièrement négative. Les progrès de la communication et l'exigence démocratique incontournable favorisent la résistance à un système archaïque dont les failles sont chaque jour plus visibles. Le lecteur trouvera ici une expression vivante de cette résistance.