La réception et l'étude de l'oeuvre du philosophe et historien polonais Leszek Kolakowski semblent aussi fragmentées que le destin propre de cc penseur. Actif en Pologne dès les années 1950 (ses premiers travaux portent sur Spinoza), auteur d'une vaste Histoire du Marxisme (1976) qui ne sera partiellement traduite en langue française qu'en 1987, et d'une fresque sur les dissidences chrétiennes au XVIIe siècle, Chrétiens sans Eglise, par laquelle il est d'abord et surtout connu, il quitte son pays après 1968 pour l'Europe occidentale et les Etats-Unis d'Amérique. Son travail s'oriente alors vers l'histoire du jansénisme et vers une exégèse de cette composante du discours catholique moderne. Comment une pensée mûrie dans le dialogue conflictuel entre marxisme et catholicisme dans la Pologne d'après-guerre a-t-elle pu progressivement prendre pied dans un autre dialogue, celui des "jésuites modernistes" et des "jansénistes réactionnaires " (selon les termes de l'avant-propos de Dieu ne nous doit rien, en 1995) ? Comment comprendre cette étrange "involution" historique ? Mais comment prendre aussi la mesure, dans ces différents temps, d'un même archipel de dissidences - des marxismes hétérodoxes à Port-Royal des Champs ? L'oeuvre de Kolakowski, trop mal connue encore en France, ouvre une perspective d'une acuité et d'une singularité rares sur l'histoire intellectuelle de l'Europe. Le recueil de Varia enrichit plusieurs domaines d'élection de la Revue, dans une diversité des espaces, des temps et des approches qui est la clef de voûte des Archives: les politiques religieuses, la place du fait religieux dans les chaînes de transmission générationnelle et la pluralité des cultes dans le monde contemporain, le problème de la patrimonialisation des "biens" religieux, les rapports de l'Eglise et de la médecine dans le dernier XIXe siècle; il ouvre enfin le chapitre du retour sur le Concile Vatican Il par la question trop peu étudiée du réaménagement des lieux de culte catholiques.