Les pères fondateurs de la sociologie se rendent toujours utiles pour aider à comprendre un monde sécularisé mais traversé de courants religieux divers et concurrents. Premier à théoriser la nature sociale du fait religieux, Émile Durkheim a également fondé l'existence morale de la société sur l'individu. Un retour sur les multiples formes de " charisme spécifique " définies par Max Weber montre en complément comment tout système de valeurs fait corps avec les individus qui les font rayonner. D'expériences intimes mais travaillées de valeurs traditionnelles, il en est aussi des arbitrages que livrent certains couples mixtes, français d'aujourd'hui d'origine juive et chrétienne, qui se posent la question de faire circoncire ou pas un enfant. Face à la question, encore plus délicate peut-être, de la reconnaissance de l'homosexualité ou de l'homoparentalité, les institutions religieuses, ici le judaïsme contemporain, peinent à statuer hormis le pur interdit ou le renvoi moins orthodoxe aux petits arrangements de la vie privée. Nous déplaçant dans le temps et l'espace, les relations mouvementées entre les religions et l'État japonais des Tokugawa (XVIIe-XIXe siècles) mettent en relief un mixte d'intransigeance et de tolérance à l'égard des formations religieuses venues d'ailleurs comme le christianisme ou le confucianisme, au gré des configurations de palais et des champs de bataille. L'Inde contemporaine qui relève la tête offre à cet égard un tableau symbolique encore plus bigarré. Ses nouveaux mouvements hindouistes, animés de " gourous flottants " ouverts au monde, cumulent les charismes, de l'intercession traditionnelle avec les dieux jusqu'à la prestation de service humanitaire en passant par les techniques occidentales de développement personnel. Au même moment, dans les brumes islandaises, des enfants sérieux de Luther se réunissent, les dimanches soir à Reykjavik, pour faire parler les esprits des ancêtres. Sur les étagères, des figurines de Shiva, de Jésus et d'elfes assistent, impassibles, bienveillantes ou amusées, au dialogue enjoué avec l'au-delà. En somme, une varia de la troisième mondialisation qui réduit la distance entre les dieux et les hommes, multiplie leurs relations et déplace les frontières de l'interdit.