De tous les "tournants" qu'aura connus la phénoménologie, celui qu'annonçait Paul Ricoeur dans le compte-rendu qu'il proposait de l'ouvrage de Mikel Dufrenne paru en 1963 sous le titre Le Poétique — un tournant en direction d'une "philosophie de la nature" — est sans nul doute celui que les phénoménologues auront été les moins prompts à opérer. Pourtant, s'il est une "crise" à laquelle, comme toute philosophie, la phénoménologie est mise en demeure de se mesurer, ce n'est plus tant cette "crise des sciences" que Husserl diagnostiquait en 1935-1936 qu'une crise de la nature et de la relation que l'homme entretient avec elle, et ce faisant avec lui-même. L'objectif de ce numéro de la revue Alter est de circonscrire la place qu'est susceptible d'occuper la phénoménologie dans ce nouvel espace philosophique, et de déterminer les inflexions de ses dispositifs traditionnels qu'exige la nécessité pour elle de s'y inscrire.