Une mécanique est en train de se mettre en place. Une mécanique dont la conséquence première est sans doute d'anéantir l'individu, son vécu, son passé, lorsqu'il ne cadre pas avec le récit des plus aisés d'entre nous. Ces êtres, qui, poussés par l'urgence vitale, se retrouvent à arpenter la longue route, semée de haines et de peurs, qui mène de l'Afrique à l'Europe, questionnent ce qui fonde notre humanité : une fragilité de la relation, qui n'est contrebalancée que par la nécessité et l'urgence de négocier une geste de vie. Ces gens - et le terme [ici] n'est pas neutre - s'agitent, sans l'avoir choisi, dans une tragédie d'errances multiples, où tendre la main à l'autre se résume au contrôle de nos faits et gestes, à des existences niées, à une disparition programmée du paysage. Une disparition de certains groupes, démunis, fracassés, défaits. Ces hommes, ces femmes, ces enfants, que l'on nomme avec un langage à géométrie variable - migrants, réfugiés, étrangers - ont ce visage que beaucoup ne veulent plus voir. Ils ont un destin sur lequel parier devient difficile. Une histoire que nos visions tronquées réduisent à rien. Le début des récits à venir se fonde pourtant sur la réinvention possible d'un Etre-ensemble, qui ne soit pas que l'expression d'une frange de population, portée par sa seule survie.