" Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement ", peut-on lire dans L'Art poétique de Boileau.
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" Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement ", peut-on lire dans L'Art poétique de Boileau.
Cependant, comment " concevoir bien " une situation si monstrueusement hors du commun que l'enfer des camps de concentration ? Quant à " l'énonciation ", le problème n'est plus alors pour
l'auteur de la rendre " claire ", mais de lui faire toucher l'inconcevable. Au problème pour le moins épineux de la création de l'écrit concentrationnaire s'ajoute celui de la réception. La plupart de ceux qui ont connu l'enfer des camps sont morts : c'est à un public essentiellement constitué de néophytes que le rescapé s'adresse. Après être revenu sur des outils critiques imprécis, tels la notion de " récit concentrationnaire " ou " d'indicible ", l'auteur
de cet ouvrage propose d'envisager ces bouleversements à travers une approche minutieuse de l'œuvre de Robert Antelme. " Ce qui est inconcevable peut s'exprimer clairement " - c'est ce que nous apprend L'Espèce humaine. Encore faut-il, pour le comprendre, concevoir que " clairement " renvoie moins à une clarté textuelle qu'à une écriture éclairante. Celle d'Antelme relève le véritable défi littéraire de " toucher la chose du mot " alors même que celle-ci semble inconcevable, et d'investir l'horrible réalité du pouvoir de la fiction pour " éclairer " l'avenir.