"On ne peut pas l'empêcher un jour, on ne voit même rien venir ce jour-là. C'est arrivé, comme ça, on ne sait plus pourquoi, on s'est retrouvé dehors en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire". Le récit d'Olivier Sowinski, naît dans un temps suspendu, où s'entremêlent souvenirs, rêves et visions, vers et prose, tous concentrés autour d'un moment décisif. Dans cet exil provisoire, les événements du dedans se déroulent, se répètent, se déploient, laissant apparaître la force d'un seul instant qui contient toute une vie.
"Je l'imagine sur le dos de ses souvenirs, qui vagabonde ? : ailleurs d'hier et ici d'aujourd'hui, ce serait une navigation lente et imprécise, j'imagine une promenade d'entre deux hésitant [... ]" Tout contre son énigme, l'écriture se fait proche, amie, invite à un cheminement intime, qui tend à dépasser les persistantes contradictions et à chercher dans la rupture, le passage. "Et tout à coup, il y a ce mot qui fait une lumière, un autre arrive alors, se rapproche et se colle (...) et c'est tout un coin de la mémoire qui s'éclaire".
Tu sors, tu pleures et tu t'en vas parle du tout premier jour et du tout dernier, et de tous ceux qui auront finalement compté. Il ne s'agit pas d'un choix, ni d'une décision (d'ailleurs, on le lit, la réflexion se prête trop bien à l'esquive, à la course, et en somme à l'immobilisme), mais d'une sorte de nécessité mystérieuse que l'écriture met en lumière. Délibérement vague(s), elle offre dans une ritournelle une suite de tableaux, de scènes, sans cesse réinterrogés, qu'il appartient à son lecteur de lire comme métaphores ou comme souvenirs, une progression au fil de laquelle chacun reconnaîtra les émotions mystérieuses et profondes, épreuves cruciales qui jallonnent notre existence.
Habité parfois d'émotions brutes en bousculade, parfois d'une douce et lumineuse mélancolie, la voix paraît provenant du fond des âges. Ici les paradoxes sont fondateurs, les tonalités et les temporalités qui s'entrechoquent ne surprennent pas : c'est une incompatibilité naturelle, primordiale, qui est en cause. Il n'y a d'ailleurs ni début ni fin à ce refrain : quand le livre s'ouvre, tout est déjà joué, quand le livre se termine, on sait qu'il ne se taira jamais.
Mais le récit nous amène à considérer avec justesse cette véritable discordance intérieure, ouvre peu à peu la possibilité d'une histoire sienne avec la pagaille du dehors, avec le bouleversement du dedans. Tu sors, tu pleures et tu t'en vas parle de l'impasse, de l'obsession et du découragement et cependant éveille une étrange fascination dans la crise intérieure, une attention vibrante à cet être au monde à vif.
Il lève en son lecteur un élan très particulier et universel, de ceux qui fondent les récits de bataille mythiques et chaque matin sur terre.